samedi 28 mai 2016

CAMBRONNE A SAINT-SEBASTIEN-SUR-LOIRE,UNE RETRAITE ACTIVE, Par Philippe ZENTKOWSKI pour la partie historique et Carleen BINET pour la partie morphopsychologique Présentation à l’Hôtel de Ville de Saint-Sébastien-sur-Loire le 27 février 2002



Philippe ZENTKOWSKI : Cambronne et Saint-Sébastien-sur-Loire, la partie historique :


J’ai eu l’occasion de travailler sur l’histoire locale, ce fut ma première mission, j’ai rejoint le cabinet du maire où j’assure aujourd’hui après trois années passées à ses côtés, la direction de l’institutionnaliste, c’est à dire toutes les relations dans le cadre de la nouvelle communauté urbaine de Nantes.

Il m’a été demandé de parler de Cambronne et de sa retraite heureuse sur Saint-Sébastien.

Quelques mots d’abord pour situer le personnage dans son évolution. Il est né à Nantes en 1770, d’une famille de négociants originaire du Cambrésis, le siège familial se trouve dans la commune de Cambron. Et son père arrive dans le cadre du commerce porteur nantais, il est commerçant en bois alors que ses frères et sa famille font le commerce de drap dans le Nord de la France. A partir de là, un grand nombre d’échanges va se faire entre les deux familles comme cela se faisait à l’époque. Et il participe activement du commerce portuaire avec la nouvelle Amérique.

L’enfance de Cambronne se déroule en partie à Nantes et en partie à Saint-Sébastien où il passe la majeure de ses vacances, c’est un jeune garçon intrépide. La légende rapporte que son grand plaisir était de traverser la Loire à pied quand elle était gelée, au grand dam de sa mère qui le corrigeait quand elle apprenait qu’il avait osé prendre ce type de risque.

Cela en dit déjà un peu long sur la nature de ce personnage, encore qu’il faille toujours être prudent parce que les légendes ont pour effet de retenir que ce qui colle à la peau du personnage. Il a certainement fait dans sa jeunesse tous les jeux que les enfants pouvaient pratiquer. Il fait ses études au collège des oratoriens qui est une école relativement stricte à une époque où le directeur nommé Foucher qui deviendra donc ministre de Louis XVIII après avoir côtoyé l’Empire (C’est peu dire, il fut le ministre de la police de Napoléon).

L’histoire nous rapporte que son père décède alors qu’il est âgé de dix huit ans, ceci coïncide avec la fin de ses études. Certains historiens rapportent qu’il aurait abandonner ses études, sa mère ne pouvant plus payer. D’autres disent qu’au contraire il s’en est sorti brillamment et que sa scolarité était terminée, Cambronne devait reprendre les affaires de son père, c’est à dire le commerce du bois (l’importation de bois exotique). Il n’en est rien, on a des témoignages sur son engagement humaniste, à la fin du XVIIIème siècle, on est vers 1788- 1789, il a 18-19 ans. Il participe aux premières chambres de lecture à Nantes et très vite dès Janvier 1789 il s’engage dans le bataillon des jeunes gens de Rennes pour aller prêter main forte aux révolutionnaires rennais qui croisent le fer déjà, bien avant la date historique de la révolution française, car chacun a en mémoire la prise de la Bastille qui se déroulera en Juillet 1789. Sept mois avant déjà, il y a des échauffourées et Cambronne prend la direction d’un bataillon de jeunes gens. On imagine déjà un certain charisme du personnage, même très jeune, apte à diriger ce bataillon.

Après, Cambronne va revenir, il va participer à la lutte contre l’insurrection vendéenne – ici nous sommes à la limite de la Vendée, le sud de la Loire subit une très forte influence de la pensée vendéenne –. Nous sommes dans une paroisse – car les communes n’existent pas encore – où la population est assez divisée, à peu près pour moitié, la moitié est républicaine, l’autre moitié est plutôt conservatrice, attachée à ses droits qui sont conférés par le parlement breton notamment et puis par la région du Poitou. Cambronne va choisir et va s’engager auprès des républicains. Et il va comme ça à travers quelques échauffourées aller croiser le fer avec les Vendéens. On lui reconnaîtra à cette époque une certaine bravoure, une certaine droiture qui font que Hoche l’intègrera dans l’armée régulière très vite, aux alentours des années 1793. (Il y a un passage de deux ans avant où il y a un flottement dans sa carrière, il se dit dépité par le métier des armes).

Il intègre l’armée régulière de Hoche et il participera bien sûr à la fin de l’insurrection vendéenne, lorsque le débarquement de Quiberon aura raison des immigrés, des conservateurs qui cherchaient à fuir. Et peut-être ses attaches nantaises, le fait qu’il ait eu de nombreux amis et des camarades de classe qui étaient dans l’autre camp, lui vaudra une attitude assez exemplaire et humaniste puisqu’il évitera le massacre d’un grand nombre d’immigrés lors de cette opération de Quiberon. Voilà ce que l’on peut dire sur sa jeunesse, pour situer très rapidement.

On va passer assez vite, car le personnage est très riche.

Intégré dans l’armée de Hoche il viendra tout naturellement dans l’armée napoléonienne, il participera à toutes ses campagnes. On lui reconnaît une très grande fidélité à l’Empereur. Il gagnera successivement ses médailles, en 1804 lorsque Napoléon envisagera d’attaquer l’Angleterre avec le camp de Boulogne il fera partie de la première série de remise de la légion d’honneur en Juin 1804. C’est une cérémonie tout à fait gigantesque où l’Empereur apparaît pour la première fois à la nation dans son habit d’apparat avec une cape d’hermine, un trône en or il y a deux cent mille soldats qui sont autour, c’est très impressionnant. Il suivra Napoléon dans toutes ses campagnes contre l’Autriche, il participera très peu à la campagne de Russie puisque Napoléon l’enverra surveiller l’Espagne. Au fur et à mesure qu’il gagne ses galons, il revient à la fin de la campagne de Russie pour partie à la campagne de Saxe. Il sera nommé à cette époque à la tête du régiment de la jeune garde, puis il sera fait commandeur de la légion d’honneur.

L’épopée napoléonienne se termine vers 1814 avec sa reddition à Paris, et Cambronne proposera d’accompagner l’Empereur à l’île d’Elbe et c’est ce qu’il fera : voilà encore un exemple de la fidélité de Cambronne jusqu’au bout. Ils réussiront à s’évader tous les deux en février 1815 avec une poignée de quelques hommes. Cambronne débarquera quarante huit heures avant Napoléon à Golf Juan, négociera avec les autorités locales, avec le préfet, son bon vouloir à laisser débarquer Napoléon. Cambronne remontera sur le Nord de la France par la célèbre route Napoléon – cette route devrait s’appeler la route Cambronne, car c’est lui qui l’a ouverte quarante huit heures avant Napoléon – c’est lui qui levait les foules, c’est lui qui recrutait pour recréer une armée complète, celle qui allait finir en Juin 1815 à Waterloo dans une grande défaite mais quelle bataille !
Cambronne à Waterloo par Dumaresq 1867
A partir de 1815, de Waterloo, Cambronne devient plus mystérieux. Il a la reconnaissance de la France. Il est devenu très célèbre, il est connu universellement, et là il devient plus mystérieux, c’est un jugement tout à fait personnel, mais les historiens ont du mal à définir de façon précise ce qui s’est passé après.
                         


     Gros plan  du tableau de Dumaresq 
« Cambronne, on y pense avec peine,
Ne se montra pas bien français :
Crier aux ennemis le mot qui porte veine,
C'était fatalement assurer leur succès. »
Tristan Bernard
A Waterloo déjà quand on lui attribue cette célèbre phrase « la garde meurt mais ne se rend pas » ; il faut dire que depuis 1815, la famille du Général Michel revendique l’inscription de cette phrase à la mémoire du Général Michel. Cambronne n’a jamais démenti qu’il ait prononcé ou qu’il ne l’ait pas dit. Dans les salons mondains chacun cherche à savoir s’il a dit le fameux mot de Cambronne – celui de cinq lettres – il ne répond pas ou de façon évasive, il cultive le doute, il devient très mystérieux à partir de ce  moment là.

Il est même condamné par Louis XVIII. Au départ il s’agit de le condamner pour conspiration contre l’Etat, en fait il s’en tirera avec une condamnation mineure : soutien à l’Etranger – car Napoléon est considéré comme étranger – et donc la peine sera relativement légère. Louis XVIII le réintègrera dans l’armée quelques mois après, il en fera même un vicomte, c’est vous dire la capacité à rebondir qu’avait cet homme.

 Et après avoir gagné autant de batailles, il n’en était pas à une de plus et il a aussi gagné celle-là. Il reprendra un peu de service et puis l’heure de la retraite arrivera. Il la passera essentiellement à Saint-Sébastien où il rencontre une jeune veuve écossaise Marie Osborne (née en 1773, naturalisée française en 1813), qu’il épousera en 1820 et à partir de là, il se désengagera, il demandera sa remise à la retraite dans les quelques mois qui suivent.

Il prendra sa retraite, plusieurs anecdotes circulent. D’abord c’est une retraite qui ne sera pas forcément paisible puisqu’il sera très surveillé par les autorités, on connaît sa fougue, son engagement, et le préfet redoute qu’il enflamme cette partie de la Vendée. Et on craint que – Cambronne qui bénéficie d’une notoriété exceptionnelle, c’est le personnage le plus connu de la région nantaise – reprenne du service bénévole cette fois. Il n’en fera rien, et l’on a plusieurs rapports des autorités qui sont agacées simplement par le fait que Cambronne vient parader dans les salons nantais en habit avec l’ensemble de ses décorations. Et je pense qu’il le fait un peu comme une provocation à l’époque, un retour vis-à-vis de l’histoire.

On rapporte aussi qu’il adorait les enfants, c’était un personnage qui leur faisait des tours.

Il reçoit ses anciens amis de l’armée napoléonienne. On rapporte qu’un de ses grands plaisirs, c’était d’aller prendre son bain en Loire et d’exhiber l’ensemble des cicatrices qu’il avait.

Et puis il s’éteindra, toujours dans le mystère, car personne n’a jamais tranché s’il avait prononcé ces cinq lettres ou s’il avait dit « la garde meurt et ne se rend pas », ce qui n’est pas forcément très fidèle au personnage parce qu’il était de ceux à mourir plutôt qu’à se rendre et il ne l’a pas fait à Waterloo.

Voilà une présentation très sommaire de Cambronne.



Carleen BINET : Analyse morphopsychologique de Cambronne :



Chez la plupart des héros, chez ces hommes que l’on pourrait considérer comme hyper-viriles, on remarque la présence d’une très grande composante féminine. Chez Cambronne, (je pense que ce portrait est un peu idéalisé) et sur d’autres documents il est beaucoup plus rétracté bossué. Mais les éléments de délicatesse de sa bouche, aux lèvres joliment ourlées, cette expansion affective et cérébrale, les yeux et les sourcils très féminins avec cet espace sous le sourcil d’un bombé qui serait associé au plaisir à la forme, ajoute de la délicatesse et de l’élégance chez un homme dont l’histoire a surtout retenu la rudesse de langage.

Cambronne document Presse Océane
 Si on analyse son visage, c’est typiquement celui d’un homme d’action au profil aérodynamique (rétracté latéral) sur un corps sans doute assez solide.

  Nous avons étudié en séminaire avec l’équipe municipale, la grille de Sociostyles (Osgood/Glâtre). Elle indique le style de besoin principal de la personne (échelle de Maslow). Cela permet de mieux dialoguer avec un interlocuteur, en respectant le mode communication dans lequel il est à l’aise. C’est ce qui nous fait dire que la morphopsychologie est une politesse du cœur !
Selon cette grille, Cambronne est un Promouvant. Un homme qui aime le risque, les responsabilités et entrainer les hommes à le suivre dans l’action. Son besoin principal est la reconnaissance. Les promouvant sont des aérodynamiques toniques avec une expansion affective (pommettes large et nez puissant reposant sur une saillie).

Il y a un besoin d’affiliation chez les hommes qui ont une expansion affective. C’est un besoin chevaleresque de se trouver un héros auquel on va s’identifier. On va se battre pour lui, lui ramener les drapeaux ennemis pour en recevoir la reconnaissance pour sa bravoure.  Philippe Zentkowski nous a rappelé son courage et sa fidélité à Napoléon.

Cambronne par Delpech

Promouvant et composante féminine, étonnamment, on va trouver ces éléments chez de nombreux maréchaux et généraux de Napoléon. Regardez le front de Cambronne, il est très arrondi, les yeux sont doux, les sourcils fins et loin de l’œil font penser à ceux d’une jolie femme. C’est un front d’intuitif, de poète ou de peintre. C’est travaillant sur le portrait de Napoléon et de son état major que je me suis vraiment rendu compte, qu’en fait, les stratèges n’étaient pas des ingénieurs, ils étaient des peintres. Ils avaient une capacité de vision globale, de vision cinétique dans le temps, de voir à la fois tout ce qui allait se passer au même moment et comment ça allait se dérouler dans le temps.

Une différenciation trop forte -creux au milieu du front, amèneraient trop de réflexion logique, un esprit beaucoup trop séquentiel pour arriver à avoir cette notion de globalité au présent, avec appui sur le passé et ouverture vers le futur. Cambronne aussi avait une intelligence globale, intuitive et artistique qui lui faisait voir un champ de bataille comme une œuvre d’art.

Ce front large et haut, très bombé est en corrélation avec une intelligence curieuse et très intuitive. Il résout les problèmes dans l’instant, il sait ce qu’il doit faire, instinctivement.

Les hommes très aérodynamiques avec peu de verticalisation (rétraction frontale), gardent un côté adolescent très joueur. Tous ses hommes aimaient se la jouer : « On est les plus forts, on est des vrais et on va le leur montrer ». C’était une armée de très jeunes gens. Ils ont conquis l’Europe avec plein d’idéalisme, un prosélytisme affectif. Ils étaient convaincus d’être les libérateurs de l’Europe des anciennes tyrannies. Ils portaient les valeurs révolutionnaires, des valeurs démocratiques, en tout cas, eux, en étaient tout à fait persuadés. Cet aérodynamisme donne aussi la fougue et la "furia francese"                                                                                                                                 

                                                                                                                        

Sur le plan relationnel il est passionné mais réservé et pudique sur ses sentiments (étage affectif aux larges et hautes pommettes, des creux et des bosses d’un modelé rétracté bossué, un enfoncement des sinus, moyen), il partage peu ce qu’il ressent. Son besoin de reconnaissance l’amène à être très séducteur, il va se mettre faire valoir en racontant ses exploits, mais il ne parlera pas de ce qu’il a ressenti.

Il ne veut pas qu’on voit qu’il est sensible (narines très fines et vibrantes, éléments féminins) donc il s’impose et dicte sa loi, il peut jouer au soudard, alors qu’il est fin et élégant.

Quand ses sentiments sont mis en cause, il vibre de façon beaucoup trop intense pour pouvoir le supporter : il doit refouler et défouler en action incessante, en agressivité pour ne jamais laisser remonter ce trouble déstabilisateur. Il feint d’autant plus de flegme qu’il est très sensible. Cela augmente sa combativité.  Il entraîne derrière lui : tant pis pour les faibles, il ne va pas se retourner. Il avance, il trace avec détermination, paraissant froid et cynique.

 Pour rester dans l’esprit de notre séminaire sur les modes de communication préférentiels, Napoléon était un Réalisant, dont le besoin principal était la réalisation de soi, avec un solide sens pragmatique du retour sur investissement. Il a inventé des médailles pour récompenser ces jeunes soldats idéalistes et assoiffés de reconnaissance qu’étaient les Promouvants. Il était d’ailleurs sidéré que l’on puisse mourir pour un « hochet » !



Philippe Zentkowski : Je suis frappé par cette composante féminine, et j’apporte de l’eau à ton moulin : On a eu entre les mains ses carnets de notes à l’époque où il était au camp de Boulogne en 1804, il a 34 ans. Il est donc au milieu d’une discipline militaire très forte, très organisée de gens qui sont prêts à aller attaquer l’Angleterre. Dans un univers de soldats, on côtoie la vermine, la crasse. C’est cette époque où il écrit à une de ses amies avec laquelle il entretiendra une correspondance de dix années. Il lui envoie des poèmes extraordinaires, il va même jusqu’à lui dessiner des robes. C’est ce paradoxe qu’il y a entre le guerrier, celui qui est engagé, on peut dire machiste et c’est à ce moment là qu’il se met à dessiner des robes pour sa bien-aimée.



Carleen Binet : Donc en plus une composante féminine bien intégrée, ne lui posant pas de problème !

Quand on parle de la composante féminine d’un homme – les non morphopsychologues peuvent être inquiets, et se dire : « ça veut dire que je suis homosexuel ? » Mais non, il n’y a pas de relation entre l’homosexualité et la composante féminine. Cette composante, chez un homme, va amener des éléments de délicatesse, de subtilité, de finesse d’appréhension, de capacité de mettre un peu d ‘élégance dans ses propos, dans sa façon de se conduire et voire même de se vêtir ou de s’entourer d’une décoration subtile.

Dans la composante non féminine de Cambronne, plutôt dans la composante soudarde, rappelons une blague de Jean Yanne : : « Cambronne ne mâchait pas ses mots. Heureusement pour lui. »







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