dimanche 26 octobre 2014

Patrick Pouyanné, un constructeur pragmatique chez Total






 
 

Puissance et dynamisme sont les premières caractéristiques du tempérament de Patrick Pouyanné par la solidité osseuse d'un crâne bien projeté en avant des oreilles.
Les éléments terriens de solidité squelettique vont lui donner un solide appui réaliste, un besoin de se construire un territoire qu'il n'aura de cesse d'augmenter et de défendre, base "reptilienne" de l'ambition. L'aérodynamisme en fera, en plus, un fonceur, un homme d'action qui a sans cesse besoin de dépasser les autres dans un premier temps et ensuite d'être dans une démarche de progression personnelle pour se dépasser lui-même. Programme bien rempli pour cet "X-Mines" de 51 ans, ayant passé par les Cabinets de Balladur et Fillon pour se constituer un solide carnet d'adresses avant de grimper les échelons de Total par une entrée Elf Aquitaine avant son rachat.
Deuxième caractéristique morphologique, la "concentration" de son triangle de communication aux yeux enfoncées et prés de la racine du nez, un nez court, un peu retroussé du bout, aux narines particulièrement fermées, et une jolie bouche d'un dessin élégant.
Cette concentration en fait un homme qui focalise son énergie sur ce qui lui est utile, qui est plus bosseur que communicant. Mais si la communication devient un enjeu essentiel pour sa réussite, il la travaillera avec l'exigence d'un laboureur, cela deviendra un objectif auquel il consacrera autant de temps et d'énergie que ses besoins perfectionnistes l'exigent.

La chair moelleuse qui capitonne douillettement son visage, va modérer l'expression de son tempérament qui pourrait être brutal et colérique. Elle va lui permettre d'y aller plus doucement, de prendre du recul par rapport à une réplique reflexe qui pourrait être assez meurtrière. Ses interlocuteurs doivent bien sentir, physiquement, qu'il ne faudrait pas trop le chatouiller. Le nez un peu ado pourrait augmenter cette rapidité de réaction, surtout si l'on touche à ses points sensibles (voir plus loin). Jeune homme, il s'est peut-être laissé aller à son tempérament sanguin, tout en trouvant une voie de défoulement dans le rugby et le tennis. La prise de poids qui lui donne du lest ralentit sa réactivité et augmente ses capacités diplomatiques.
Les deux parties de son visage les plus expansives sont le front et la mandibule, cela entraine deux motivations prioritaires, comprendre et faire, chercher des solutions pratiques et les mettre en œuvre, emmagasiner les informations dont il aura besoin pour qu'elles puissent lui servir en résolution de problème ou quand il doit défendre un dossier.

Pour étudier ses capacités intellectuelles on ne peut séparer la forme du front de la puissance de l'ossature et de la mandibule, car elles influent fortement son pragmatisme, son réalisme et un bon sens paysan (c'est un compliment), que l'on trouve rarement chez les ingénieurs des grandes écoles, plutôt planeurs que les mains dans le cambouis. Mais aussi à un flair (plutôt que de l'intuition), qui doit beaucoup lui servir dans les affaires et les négociations.
Ce front oblique aux fortes bosses sus-orbitaires se retrouve avec une pensée très rapide et opératoire. Les yeux concentrés et les sourcils prés de l'œil (mais aussi la bouche), lui donnent de grandes capacités de concentration, d'étudier un dossier à fond et dans tous ses détails pour relever immédiatement celui qui cloche et trouver les solutions pour y remédier. Avec ces éléments, il y a aussi une constriction de l'énergie pour savoir la faire durer dans le temps mais cela se déteint sur sa gestion. Il n'aime pas gaspiller, il préfère thésauriser pour de l'utile. Il ne doit pas beaucoup aimer les dépenses de prestige et il serre, sans doute, celles de fonctionnement, au maximum.

Mais comme son intelligence est d'abord focalisée sur la résolution de problèmes, il saura anticiper les dépenses utiles au bon fonctionnement de l'entreprise. Son imagination va lui permettre de monter des stratégies prospectives pour préparer l'avenir, le construire et l'organiser, à "trois bandes avant".
Beaucoup d'imagination alliée à sa bouche au dessin esthétique le rend sans doute sensible à l'art, à la belle langue, aime-t-il le théâtre ou les tribuns?



Alors quelles sont ses points de difficultés? 

Si je n'ai pas parlé de son affectivité, c'est parce que son étage affectif est marqué de plus de rétraction que les deux autres étages. Il est court et peu expansif, le nez petit, retroussé et fermé comme nous l'avons vu. C'est donc un homme qui a énormément blindé son affectivité, qui laisse entrer peu de personnes dans le cercle des intimes et qui du mal à faire confiance. En entreprise, il aura peu états d'âme, quand il doit prendre des décisions difficiles sur le plan humain (attention, il est tout de même assez intelligent et pragmatique pour en prévoir les conséquences, en particulier sur le plan financier, pour ne pas les avoir préparées avec les acteurs adéquats, en écoutant particulièrement bien tout ce qui pourra lui permettre d'élaborer une stratégie gagnante).


Il a peu de "feeling", c’est-à-dire de sensibilité à l'émotion de l'autre. Il peut en observer les effets, mais il ne la ressent pas. Quand on nage avec les crocodiles, c'est une compétence. Par contre dans sa vie privée, cela peut être plus problématique, car il ne sent pas le mal être ou les besoins de ceux qu'il aime, d'un amour sans doute assez possessif. Il a dû sans doute se caparaçonner dans son enfance contre l'émotivité imprévisible d'un proche.
On peut aussi emmètre l'hypothèse que ce blindage correspond à une éducation où l'amour et l'attention étaient plus octroyés pour ses résultats scolaires que pour son être. Du coup, l'amour est conditionnel à des performances, à ce que l'on rapporte à la maison en succès ou en argent.
Cela a des effets positifs sur l'ambition qui se construit comme une revanche, une démonstration de sa valeur. Et des effets douloureux par le doute sur son estime de lui-même, le point sensible que nous avons mentionné plus haut. Ce n'est jamais assez! Il y a une dimension phallique dans la personnalité qui n'arrive pas à mâturer vers une considération de lui-même ,plus bienveillante. La reconnaissance de cette valeur est, alors, plus octroyée par soi-même et non par des figures d'autorité. Les éléments de personnalité que l'on cherche à améliorer seront regardés avec humour et indulgence et non sévérité ou culpabilité.
 
Dans un an, ce sera lui la figure d'autorité, comment va-t-il résoudre cette problématique, aura-t-il seulement le temps de s'y pencher? "Il est plus difficile à un riche d'entrer au royaume des cieux, qu'à un chameau de passer par le chas d'une aiguille", parabole de l'homme travaillant trop pour se préoccuper de sa vie intérieure et du sens de sa vie.

Parue dans les ECHOS, une caricature de Morshoisne avec qui j'avais co-écrit "Vu à la Télé" aux Editions Presses de la Cité.

 
 


mardi 21 octobre 2014

Mazarin, ou l'exellence de l'ambivalence



Ce regard scrutateur vous impose son autorité. Il est calme, centré, il vous étudie profondément. Ce portait est réalisé ou terminé l'année de sa mort, à 58 ans.



L'ossature masculine, puissante, est équilibrée entre l'expansion et la projection aérodynamique du profil (rétraction latérale). Nous pouvons en déduire un homme de tempérament dynamique, ayant besoin d'étendre son territoire vital.
Il y a un contraste entre cette puissance de tempérament révélé par son ossature, et la grande délicatesse et finesse des "communicateurs", en particulier des narines particulièrement fines, découpées et vibrantes. 


Ce que l'on voit de la bouche, la montre joliment ourlée. 



Les yeux, sont peu abrités, à l'ovale étiré et élégant sous des sourcils bien dessinés, avec ce fameux bombé réceptif d'un sens esthétique de la forme. 
 


Sur le profil, on voit bien l'équilibre des trois étages, entre un front très rond, un étage affectif large, légèrement aplati au niveau des sinus maxillaires et au nez très protégé, à l'arête fine. L'étage instinctif large et projeté, enrobé d'un modelé plus doux que le reste du visage, apporte un enrobage de velours autour d'une détermination importante que la bouche sur un aplat confirme. Jules Mazarin ne se laisse pas mener par ses appétits, il en profite, mais les contrôle.

I.                Le tempérament et la volonté


Homme d'action par son aérodynamisme important, endurant et énergique par la solidité de son ossature et particulièrement de sa mandibule. Il est énergique et courageux, il a un besoin vital d'explorer tout ce qui se présente à lui. Il va de l'avant, orienté vers le futur et l'inconnu dans lequel il se projette pour le préparer ou le construire.  C'est un homme de désirs qui ne seront jamais satisfaits, puisque quand il en savoure un, c'est le suivant qui l'attire. 




Il doit avoir un rythme rapide faisant toujours plusieurs choses en même temps, la routine et la succession inéluctable de certaines tâches doivent l'ennuyer prodigieusement. Il a besoin d'être à l'initiative de nouveaux projets, de se lancer des défis toujours renouvelés, un besoin d'évoluer et de progresser sans cesse, d'augmenter ses performances dans tous les domaines.  

Il s'engage fortement dans ce qui l'intéresse surtout si cela va satisfaire une ambition naturelle que nous explorerons plus loin.
S'il est physiquement capable d'affrontement, la délicatesse de ses communicateurs (yeux, nez, bouche) et son modelé plutôt rebondi et moelleux que tendu, particulièrement sous le menton tendrait à faire penser qu'il n'aime pas le conflit, qu'il le trouve inélégant. Le conflit doit lui paraitre de l'enfantillage et une perte dans tous les sens du terme, de possibilités plus constructives ou lucratives. Il a cependant plusieurs fois fait preuve d'un grand courage dans sa vie.

Le besoin d'acquisivité, naturelle chez tous les êtres vivants est important chez lui, c'est là qu'il va se mettre son besoin de sécurité, se constituer des réserves qui le mettront à l'abri des hivers difficiles. Nous la retrouverons plus loin aussi.

Ce modelé charnu et doux et la sensualité fine de sa bouche nous montre, en plus de sa composante féminine, une gestion de son énergie et du stress sans doute efficace. Il sait prendre du bon temps, se retrouver dans un calme qui lui convient, sans doute dans la lecture ou l'appréciation des belles choses.

II.              Communication et relationnel




C'est un homme de communication, Les pommettes expansives et la tendance réagissante qui projette le triangle de communication en avant de son visage en font un homme qui adore l'échange, rencontrer les personnes, les charmer et les comprendre. Ces communicateurs si fins et élégants, ce nez qui se projette dans la conquête de l'autre reflètent certainement une capacité de séduction particulièrement fine et pénétrante. La très grande sensibilité tonique des narines lui donnant un "feeling" affuté, qu'il a du étalonner depuis son enfance pour s'accorder avec son interlocuteur. C'est un véritable sismographe qui lui permet de ressentir la vibration émotionnelle de celui avec lequel il veut s'harmoniser.
Le méplat moyen des sinus, lui donne la possibilité d'être empathique tout en préservant son autonomie et ne se dévoilant que s'il le décide et dans la proportion qui l'arrange. 



Il aime créer du lien, aimer et se faire aimer. Il s'adapte souplement aux ambiances et aux personnes, de façon pratiquement mimétique, il saisit les besoins de son interlocuteur et du coup va apprendre très rapidement à se fondre dans les usages, à les employer sans erreurs,  avec raffinement et savoir faire. Il ne conteste pas la règle du jeu, il l'a fait sienne et l'adapte discrètement à ses besoins, sans se faire remarquer.
C'est un homme qui a muri, il retient ses élans. Il n'aime pas l'affrontement, il sait la perte d'énergie et de self-control qu'elle entraine dans un jeu qui fait souvent perdre la face aux deux coqs. Se retenir, même si l'on est humilié, pour attendre le moment d'une vengeance plus subtile, lui apportera des bénéfices satisfaisants et lui semble bien plus intelligent. Et Dieu sait le nombre de couleuvres qu'il a du avaler, lui l'homme "sans naissance" et de famille modeste, de la part des nobles arrogants. Et c'est lui qui les a mis au pas, préparant son filleul, Louis XIV, dont il est le véritable éducateur à les châtrer en les obligeant à devenir des courtisans se battant pour des faveurs dérisoires.

C'est aussi un bon "manager". Il sait mobiliser les hommes de ses équipes, les stimuler et leur communiquer son enthousiasme. Il est généreux de son temps, de son affection et de son argent. Il aime aider et être utile. Savoir qu'on lui est redevable, le rétribue de ses efforts. Il devait avoir un grand charisme grâce à ses qualités relationnelles de fin psychologue. Ses collaborateurs lui ont été fidèles, même au delà de sa mort.
Il n'affronte jamais plus puissant que lui, il attend son heure en mettant en jeu toutes les ressources de sa séduction et de son intelligence pour monter une stratégie qui lui permettra d'en faire un allié ou, au pire, de le faire éliminer par un autre ennemi sans que l'on puisse retracer sa patte.

C'est un hypersensible, donc sans doute très susceptible, voir un peu parano. Il y a une vraie ambivalence en lui, entre sa proximité compréhensive avec les autres et le fait d'être au milieu d'un marigot de crocodiles qui attendent la moindre inattention ou faiblesse pour l'éliminer. (N'oublions pas qu'il a traversé la Fronde dans laquelle il avait tout perdu, avant de revenir en triomphateur). A ce niveau de pouvoir, on ne peut survivre sans une attention permanente, une imagination préventive des mauvais coups qu'on peut recevoir et donc un travail policier de surveillance de ses ennemis et des stratégies pour les faire tenir tranquille. Travail de dossier pour les tenir par la barbichette (très à la mode, qui plus est, à son époque J ). Prévarications diverses, d'où aussi l'intérêt d'amasser une fortune permettant d'acheter les ennemis potentiels. Nous verrons en étudiant son intelligence l'étendue et la complexité de sa politique de protection et de développement, pour lui-même, la royauté et la France, qu'il a fort bien servis.
Ses ennemis en ont fait un monstre de duplicité, un serpent ondoyant et fourbe. C'est ce que fait le pouvoir aux hommes. Cependant je ne le crois pas tellement atteint d'une volonté de puissance qui l'aurait rendu imprudent et lui aurait fait perdre ses qualités de diplomate et de politicien.

C'est certainement un très bon psychologue, conscient de l'ambivalence des hommes, de leurs faiblesses et encore plus de celles des nobles, bouffis d'orgueil, se croyant prédestinés pour le pouvoir. Grâce à ses talents, ce parvenu a réussi à grimper tous les échelons du pouvoir, à se rendre indispensable à tous ceux qu'il a servi (sans oublier de se servir).
Je crois cet Italien éminemment conscient de la comédie humaine, de la Commedia dell' Arte, dans laquelle il  a baigné enfant.  C'est la thèse de Paul Guth dans son passionnant Mazarin[1]: "Mazarin méprise trop les hommes pour les écraser. Il les enveloppe d'une pitié amusée. Il les drape d'une poussière d'or de Commedia dell 'Arte où les bastonnades se marient aux bravos. Le barbon, l'ingénue, la coquette jouent leur rôle, et puis s'en vont. Le traitre aussi. Pourquoi lui en vouloir plus qu'aux autres. Le sang appelle le sang. Il est sot de croit qu'une vengeance restera plus impunie qu'un crime. Tout vengeur succombe à la vengeance des amis de ses victimes. Rien ne vaut la peine de faire de la terre un enfer. Tout est spectacle, éternel retour, illusion." Cependant, je ne le crois pas méprisant, il se mépriserait aussi. Or il a une haute estime de lui-même, il a besoin de démontrer sa valeur et de la voir reconnue par ceux qu'il sert et, je pense, aime réellement. Ce n'est pas du tout le monstre froid et manipulateur que ses détracteurs ont décrit.

III.            Le plan intellectuel




Un front parfaitement rond et très expansif, avec des bosses sus-orbitaires à peine esquissées et éventuellement une différenciation  visible dans la statue de Lerambert, 

que je pense moins exacte sur ce point. Les médailles étant en général les représentations les plus exactes des personnages car sans ambition artistique, mais de ressemblance la plus exacte possible.
Les yeux sont peu abrités, allongés et avec des paupières légèrement atones, l'amenant dans la réceptivité et l'écoute autant que dans une observation de peintre. 




Ces éléments sont associés à une intelligence intuitive, créative que l'on trouve plus chez les artistes que les hommes politiques. On sait que Mazarin, dans sa jeunesse a hésité à embrasser une carrière artistique pour laquelle il avait des dons, pour s'orienter vers une carrière de conseiller diplomatique, dès 17 ans où il accompagne le Cardinal Colonna pour deux ans en Espagne (il parlera couramment espagnol, ce qui va être d'un grand secours avec Anne d'Autriche, la Régente, mère de Louis XIV, qui est Espagnole), et avec une première vraie mission diplomatique à 25 ans.
Revenons à ses capacités intellectuelles, celles d'un intuitif à l'écoute et à l'observation pénétrante des personnes qu'il rencontre. Il veut les comprendre, comment elles vivent, d'abord pour s'intégrer avec un grand besoin d'appartenance qu'exaspère sa petite naissance. C'est donc l'affectif qui développe ses capacités intellectuelles et psychologiques. Il va devenir le confident, celui qui écoute et ensuite conseille.

Il voit l'ensemble plutôt que le détail, et un ensemble qui est aussi chronologique, la vie de la personne dans le temps. Ses connaissances en astrologie, étude la plus proche de la psychologie de l'époque devaient l'aider à dresser un portrait de ses prochains, en se servant du nom des planètes comme caractéristiques psychologiques.

Cette dilatation en fait, aussi, un touche à tout, qui s'intéresse aux arts autant qu'à la science et un lecteur infatigable, sa bibliothèque (la Bibliothèque Mazarine deviendra celle de l'Académie Française. C'est lui qui fit construire l'Institut qui l'abrite) est une merveille d'éclectisme. 

La pensée est très rapide, les associations d'idées se font instantanément avec le réservoir d'une vaste mémoire. Il doit avoir une conversation très intéressante, surtout qu'elle est faite pour charmer l'interlocuteur, les méchants diront pour l'enfumer. Mais c'est sûr qu'il improvise, enrobe, distrait avec une grande ingéniosité. Ce grand et subtil négociateur est rusé comme Ulysse, dont il possède la métis méditerranéenne, l'adresse et l'embrouillage de l'adversaire qu'il traitera comme un ami de toujours, la main sur le cœur. 

Les éléments de verticalisation (rétraction frontale) de son visage, aplatissement des sinus et de la bouche lui permettent un apprentissage de l'ordre, de l'organisation et de la méthode, même si, souvent, c'est agaçant pour lui, avec une impression de perte de temps. C'est quelque chose qu'il peut déléguer. Il doit avoir une difficulté à se concentrer sur un seul sujet pendant longtemps. C'est sûrement plus facile de se concentrer sur une personne, car là, l'affectif entre en jeu.
La pensée peut-être assez alambiquée, car trop de pensées lui arrivent en même temps et ce n'est pas un cartésien, il est au fil de l'eau, une idée en entrainant une autre, il ne va pas à l'essentiel, il délaie, augmente.

Sa grande imagination et l'aérodynamisme vont lui donner une vision prospective de la réalité. Une résolution de problème innovante, très créative et originale. Sa maturité générale, la légère atonie des paupières devant apporter le recul nécessaire pour ne pas réagir. Cela lui apportait aussi certainement humour recherché et distanciateur. Cet ensemble  va entrainer de grandes capacité stratégiques, qui avec ses capacités diplomatiques sont les points forts de son ministère et de ses succès, souvent bien au-delà de ce que l'on pensait possible. 


On sait que Mazarin était un grand joueur, qu'il y a accumulé une grande richesse, qu'il savait redistribuer intelligemment. Au début de sa relation avec Anne d'Autriche, alors qu'elle était venue le voir jouer, il gagna gros. Il lui en donna la moitié en disant qu'il avait gagné parce qu'elle lui avait porté chance, et il distribua le reste aux courtisans présents, belle façon de se faire des amis. On a beaucoup glosé sur son avidité et son avarice. Je ne vois ni l'un ni l'autre dans son portrait. Je pense plutôt à l'intelligence d'un homme dont la situation a toujours été précaire et qui devait se prémunir par la richesse, seule possibilité de se mettre à l'abri et aussi d'acheter ses ennemis plutôt que les combattre.

 Il faut aussi ajouter à côté de cette créativité imaginative, celle que lui procure la finesse de ses traits et un sens esthétique de la forme  sous des sourcils très bien dessinés. Ces éléments révélant de sa composante féminine, que nous voyons particulièrement bien intégrée. Elle lui amena de choisir la voie de la conciliation plutôt que celle de l'affrontement phallique et infantile, le désir de créer du beau autour de lui et de s'en entourer pour convertir la richesse accumulée en bonheur des yeux et des sens.

Pour les amoureux des grilles d'indicateurs de personnalité, je pense qu'en MBTI, c'est un magnifique exemple d'ENFP, qui a bien développé ses fonctions inférieures et qui a renforcé son J avec les responsabilités.

C'est un Promouvant typique et les journalistes économiques, s'il avait été un dirigeant, l'auraient classé dans les compétiteurs- développeurs.



[1] Guth Paul-Mazarin- Flammarion 1972


Mazarin par Mignard 1661
                                                                Peintre Anonyme

Mazarin par Bouchart

Mazarin par Philippe de Champaigne
 
Mazarin par Coysevox (monument funéraire à l'Académie Française)

Mazarin par Lerambert

 

mercredi 10 septembre 2014

Thomas Thévenoud ou l'hubris, l'ampoule qui brille trop fort avant d'exploser. Ou comment "avoir le melon".



Thomas Thévenoud, l'éphémère secrétaire d'Etat au commerce extérieur est un homme "normal", dans le monde politique : Une ossature dense et solide pour se tailler un grand territoire à exploiter, suffisamment d'aérodynamisme pour vouloir en conquérir plus, ce qui, allié à une bonne mandibule augmente l'ambition et l'acquisivité. Le tout enrobé d'une chair moelleuse, pour envelopper son contact de velours relationnel.
Certes il doit avoir une tête bien faite, bel étage cérébral dominant, bien sculpté, lui donnant des capacités intellectuelles équilibrées entre le bon sens, la logique et la créativité.








L'étage affectif est très marqué de rétraction, le plus plat et le plus reculé, avec un nez assez fin aux narines fines et vibrantes. Serait-ce un enfant aimé pour ses résultats scolaires, son aisance "bien élevée", sa culture de classe et non pour lui-même? Il a dû construire son estime de lui-même en se jugeant par rapport à l'effet qu'il produit. Très centré sur lui-même, il a très peu d'empathie, par contre, il  est d'une grande susceptibilité et n'oubliera pas de sitôt les manques d'égards ou les vilenies.

Donc tout normal! Qu'est qui lui est arrivé?

Vous avez compris que "centré sur lui-même" était une équivalence d'une grave blessure narcissique. On se défend contre cette blessure en se construisant un personnage idéal, grandiose, que l'on trouve souvent dans le sérail des grandes écoles et chez les artistes. Ce grandiose s'accompagne d'une inflation qui vous fait croire que vous êtes tout puissant, tellement au dessus des autres et tellement plus intelligent, que l'on en perd le sens commun et le respect des lois, bon pour le menu peuple. De plus la sensibilité étant tourné vers sa propre défense, mais non sur l'empathie, on ne tient pas compte des signaux que vous envoie les autres, on s'envole dans sa montgolfière, l'ampoule se met à briller trop fort et l'on explose en vol. C'est ce que les anciens appelaient l'hubris, la démesure entrainée par l'orgueil, qui fit voler Icare trop près du soleil et tomber dans la mer. Messier ou Napoléon,   en leur temps, en sont d'autres exemples.
Référence :


mardi 9 septembre 2014

Anne de Bretagne, la douce et bonne duchesse en sabots

                          Anne de Bretagne

                                                                   1477-1514                   

Jean Perréal, Portrait présumé d'Anne de Bretagne vers 1492-1495
 Bibliothèque nationale de France Paris
                    

 Ce visage juvénile d'une jeune fille de  15 ou 18 ans est touchant et sans  doute assez ressemblant car tous les portraits d'elles donnent les mêmes caractéristiques. C'est un visage de jeune-fille doux, dont le traits ne sont pas très fins, ni "aristocratiques". Est-ce la douceur de ce visage qui est à l'origine de la légende de la "Duchesse en sabots", jeune femme certainement à l'écoute des malheureux de son temps par son désir de proximité avec tous et de faire le bien.  
 

  I.                Etude morphologique succincte


Jean Bourdichon, l'auteur offrant son livre
 à Anne de Bretagne. Miniature du Voyage de Gênes
 de Jean Marot, vers 1508.
Paris, Bibliothèque Nationale
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Jean Bourdichon, Anne de Bretagne en prière avec ses siantes patronnes, sainte Anne, sainte Hélène et sainte Ursule.
Miniature des Grandes Heures d'Anne de Bretagne, vers 1505-1508, Bibliothèque Nationale de France, Paris
 
Dans les autres portraits ou sculptures que l'on a d'elle, est repris le grand front très rond, les yeux peu abrités, le nez important et qui se retrousse en un bout charnu. Il y a peu ou pas de verticalisation-rétraction frontale ( la bouche, le nez et les yeux sont sur une protubérance). La chair est douce, pas très tonique. Ces caractéristiques morphologiques sont en corrélation avec un caractère adaptable, très réceptif et influençable, un  besoin de faire plaisir pour être aimée.
La flèche verte montre que le profil
est peu avancé devant les oreilles

 
 
 
On voit peu d'aérodynamisme- rétraction latérale, la seule indication que l'on a de son profil en voyant son oreille, est son gisant, le « transi de la reine[1] » . Ce n'est pas une femme d'action, elle ne prend pas d'initiatives, ne s'impose pas.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
  

Nous pouvons remarquer une nette expansion affective, un nez important, à la concavité charnue émouvante.  Avec les autres éléments que nous venons de décrire, elle est mue par les sentiments de façon assez enfantine, le besoin d'être aimée et d'être prise en charge dans une atmosphère de douceur familiale.
 
Médaille à l'effigie d'Anne de Bretagne
par Jean et Colin Lepère, sur un modèle de Nicolas Le Clerc
et Jean Saint-Priest, exécutée pour l'entrée royale à Lyon en 1500.
Bronze. Musée du château royal de Blois
 
L'étage cérébral, qui monte plus haut sur l'os frontal, est peut-être un peu épilé pour suivre la mode du temps, est aussi expansif, suivi par un étage instinctif plus étroit, à la bouche enfantine, douce et peu tenue et au modelé tendre et légèrement atone. C'est une grande rêveuse idéaliste et romantique. L'action est motivée par le besoin de faire ce qu'on lui demande pour être aimée, sans ambition ou affirmation personnelle.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 


II.              Vie relationnelle


 Nous pouvons faire l'hypothèse que c’était une femme douce et adaptative. Elle était mue par le désir d’être aimée, elle faisait sans doute tout ce qu’elle pouvait pour l’être. Jeune fille tendre et câline comme une enfant qui veut faire plaisir, elle se pliait au désir de l’autre sans en avoir de sien propre, son corps et son cœur étaient trop immatures pour cela (bouche et nez enfantin, pas suffisamment de verticalisation-rétraction frontale pour lui donner du recul et un jugement personnel réfléchi).
Par sa dominance affective, son moteur principal était l’affectivité. C'était d’abord une femme qui vivait au milieu des autres, échangeait beaucoup quand elle se sentait en sécurité,  joyeuse et bavarde quand elle était avec des familiers (grand triangle de communication, peu de verticalisation), timide et craintive en milieu inconnu.
 
Sa recherche permanente d’être acceptée (besoin d'appartenance prioritaire) devait la rendre très aimable et chaleureuse, maternelle avec ceux qui sont faibles, malades  ou solitaires, faisant le bien avec naturel et chaleur de cœur. Ce qu’elle aimait, c'était créer du lien entre les personnes, aider ceux qui en ont besoin, plaire à tous ceux qui l’approchaient, naturellement, sans s’en rendre compte. Elle avait autant besoin de recevoir de l’amour que d’en donner.Son besoin d’appartenance devait lui faire rechercher les personnes qui faisaient clan autour d’elle, la protégeant et la rassurant. Elle était généreuse avec eux, cherchant toujours à faire plaisir. Elle était certainement humble par manque d’affirmation personnelle et sereine dans sa foi féérique.Son estime d’elle-même dépendait du retour positif qu'on lui faisait et en particulier de celui de sa famille. Elle faisait tout son possible pour avoir bonne conscience en obéissant aux injonctions de son éducation religieuse. Elle devait être soumise à son mari, à ses ainés et  aux religieux qui l’entouraient, vivant dans un monde idéal nourri par la vision de l’imaginaire merveilleux de son époque, dont rendent compte les miniatures magnifiques par leurs enluminures des livres d’heure qu’elle affectionnait.

III.            Tempérament et volonté


 La douceur des chairs et des communicateurs alliées à ce peu d’aérodynamisme du profil vont avec un rythme tranquille, elle suivait gentiment les directives que les personnes dont elle voulait être aimée lui donnaient, ce que son éducation lui avait enseigné, sans remettre en question leurs biens fondés. Ce n’est pas sa volonté propre, son élan explorateur qui lui donne du dynamisme, mais son besoin de plaire à tous. Elle n’avait pas d’ambition, supportait très mal le conflit et voulait qu’un consensus de fraternité et de charité chrétienne l’entoure. Pas d’autre défi que de suivre ses obligations et ses dévotions le mieux possible. Elle avait certainement peur devant l’inconnu, un très grand besoin de sécurité affective, d’être entourée et rassurée, la religion y contribuant énormément.
Quelles que soient les contraintes de sa position, elle s’y adaptait avec grâce et souplesse, jouait le rôle pour lequel on la préparait. Quel délice pour ses guides et son confesseur. Elle n’osait pas prendre d’initiatives sauf pour plaire, donner des cadeaux. Sa grande générosité vient de là, de l’observance des enseignements de son éducation, surtout religieuse. Elle les a appliqués avec une dévotion filiale soumise, une grande simplicité.
Elle devait cependant être capable de grandes choses, de dépasser ses limites pour accomplir ce qu’elle pensait être son devoir, faire le bien autour d'elle et avoir la conscience tranquille. Elle recherchait une reconnaissance pour sa valeur de femme de foi et d’obéissance.

IV.            Vie intellectuelle


  Son intelligence, très intuitive, était participative, les rêves et la réalité se mélangeant un peu.  Elle était dans la beauté du monde, participant mystiquement avec l’environnement par son sens esthétique qui l'a faisait adhérer à ce qu’elle voyait, et ressentait (dilatation générale, front uniformément rond, grands yeux à fleur de visage, bombé sous le sourcil).
Elle devait avoir une conversation très primesautière, sautant d’un sujet à l‘autre, comme les idées ou plutôt les images se présentent, sa grande mémoire fonctionnant par associations successives, une image en appelant une autre. Elle devait écouter avec bienveillance, disponible et très intéressée par l’autre. Elle devait avoir une excellente mémoire, retenant intégralement ce qui se disait. Cela la rendait certainement encore plus attachante, car elle pouvait restituer les détails d’une conversation ancienne, le contexte et même éventuellement ce que portait la personne.

Il n’y a pas de logique et de raisonnement mais une pensée magique qui croit que les pensées et les prières ont une vraie action sur les autres, que les superstitions sont effectives, il faut conjurer, prier sans cesse pour ne pas subir le mauvais sort.

.Le problème avec cette incapacité à prendre du recul et considérer objectivement ce qui se passe autour d’elle a dû être très douloureuse en cas d’accident ou de traumatisme, car elle n’avait pas de capacité à mettre la vision traumatisante à distance et donc de pouvoir la voir se dissoudre, petit à petit, dans l’oubli. Les visions et sensations traumatisantes continuaient à l’habiter avec la même force persistante.
 
 

 
 

 
 


Bombé traduisant un sens esthétique de la forme
 
 
Un sens esthétique très prononcé et une grande imagination la rendaient très sensible à la beauté, du monde ou des objets. On sait à quel point elle fut une mécène, au goût très fin, et, bien sûr, à la grande générosité.
 
 
Jean Pichore, scène de dédicace :
Antoine Dufour offrant son livre à la Reine Anne de Bretagne.
Miniature des Vies de femmes célèbres,
 Nantes, Musée Dobrée
Hors Série Histoire N°75
L'Objet d'Ar
  
Je déduis de sa participation mystique au monde, une foi simple, pleine de merveilleux. Son imagination et son besoin d’affiliation devaient se retrouver dans sa conception de la divinité, elle devait idéaliser un couple parental.  Un père sévère mais bienveillant surveillant son obéissance à ses lois et une mère aimante la rassurant et la consolant du haut du ciel. C'est ce qu'on lui avait sans doute enseigné et cela devait se mélanger aux contes, aux superstitions qu'on lui racontait et aux images magnifiques de ses psautiers. Par contre, je la crois peu capable d’introspection et donc d’une capacité à progresser et à évoluer psychologiquement vers une plus grande maturité que cela soit dans le domaine relationnel ou d'une vision de la spiritualité
 
 

V.              Conclusion

Orant d'Anne de Bretagne,
Détail du tombeau d'Anne de Bretagne et Louis XII
Antoine et Jean Juste ou Antoine Regnault. 1516-1520
Basilique Saint Denis


 

Cette Duchesse que des militaires prirent pour une paysanne en sabot, comme le dit la chanson, doit certainement sa légende à son caractère doux et généreux, à sa proximité non affectée avec les personnes et à sa foi "de cordonnier", proche de celle de son peuple à cette époque. Duchesse et deux fois reine, elle ne marqua pas son pouvoir par son autorité mais par sa bonté, c'est assez rare pour qu'on la chante encore après 500 ans.










Toutes les photos sont extraites du très beau Hors Série Histoire N°75 sur Anne de Bretagne
L'Objet d'Art
 
  • Dans le cadre de l’exposition « Le Cœur d’Anne de Bretagne », Caroline Vrand anime mercredi 10 septembre une conférence à Nantes autour des collections d’art d’Anne de Bretagne. Ouest-France, 2 septembre 2014
    Dans le cadre de l’exposition « Le Cœur d’Anne de Bretagne », Caroline Vrand, archiviste paléographe et conservatrice du patrimoine au service des musées de France, propose une conférence autour des collectionsd’art d’Anne de Bretagne.
    À travers cette conférence, elle fera le point sur l’état actuel des connaissances concernant les collections d’art constituées par Anne de Bretagne : comment se sont-elles constituées ? Quelles sont les pièces qui les composaient ? Et quel usage en fit la reine?
  • Conférence gratuite, mercredi 10 septembre de 18 h 30 à 20 heures Passage Sainte-Croix – 9, rue de la Bâclerie (quartier Bouffay) à Nantes. Entrée gratuite, dans la limite des places disponibles.

Je vous conseille d'aller sur le site très documenté qui donne toutes les festivités autour de la célébration des 500 ans de la mort d'Anne de Bretagne : http://anne-de-bretagne.net/fr/anne-de-bretagne-1477-1514

 
Et qui donne une biographie succincte d'Anne que je vous recopie ici.
Héritière…
Anne de Bretagne naît le 25 janvier 1477 dans le château de Nantes alors en pleins travaux. Fille aînée de François II, elle passe ses premières années entre Nantes, Vannes et Clisson. Elle s’initie au latin, à la littérature française et à l’histoire. Elle reçoit également une solide instruction religieuse.
Le temps de l’enfance est bref pour Anne. Très tôt, en effet, son destin est conditionné par les menaces qui pèsent sur le duché breton. Depuis le XIVème siècle, la Bretagne a cherché à s’émanciper du royaume de France. Pour assurer l’avenir du duché, en l’absence d’héritier mâle, le mariage d’Anne devient une question essentielle.

Duchesse à 11 ans (1488-1491)
Anne se retrouve à l’âge de 11 ans à la tête du duché. Avant de mourir, son père a confié sa garde au maréchal de Rieux et à Françoise de Dinan qui voudraient la marier à l’un de leurs parents, Alain d’Albret, qui a mené des mercenaires en Bretagne depuis 1487. Anne n’est pas d’accord et le gouvernement breton divisé doit faire face à la reprise des hostilités avec Charles VIII. Pour sortir de son isolement, Anne doit trouver un époux qui puisse l’aider à défendre ses droits.

Reine de France pour la première fois
La construction du château de Langeais débuta en 1465 à la demande de Louis XI. Jean Bourré, capitaine  de Langeais, en dirigea la construction et Jean Briçonnet, général des finances et maire de Tours, fut commis au paiement des travaux de 1465 à 1467.
C’est donc dans un monument médiéval récemment terminé qu’eut lieu le mariage de Charles VIII et d’Anne de Bretagne. Les jeunes époux avaient respectivement 21 et presque 15 ans. Cet événement est un épisode important dans le processus qui devait aboutir au rattachement du duché de Bretagne au royaume de France.
A la suite de jeux d’alliances complexes concernant les cours d’Angleterre et d’Autriche notamment, et sous la pression de leur entourage respectif, Anne et Charles VIII acceptent finalement un mariage de raison, qui est donc célébré à Langeais le 6 décembre 1491. Le roi impose ses conditions à la duchesse dans le contrat signé à l’occasion du mariage : tout est mis en place pour préparer une union de la Bretagne à la France.

L’union avec Charles VIII (1492-1498)
Le 8 février 1492, Anne décrite alors comme « petite, maigre de sa personne, boiteuse d’un pied et d’une façon sensible, brunette et jolie de visage, et pour son âge fort rusée », est couronnée et sacrée dans la basilique Saint-Denis : elle est la première reine à bénéficier d’un tel traitement. Mais elle est soumise à la puissance de son mari, qui est seul habilité à administrer ses biens. Vivant entre Amboise principalement, Paris et Lyon, elle donne naissance à cinq enfants entre 1492 et 1496. Tous meurent en bas âge.
Quand Charles VIII décède au château d’Amboise le 7 avril 1498, Anne, qui est alors âgée de 21 ans, est donc sans enfant et elle redevient pleinement duchesse.

A nouveau pleinement Duchesse
Elle rétablit la Chancellerie de Bretagne que Charles VIII avait supprimé en 1493. Elle choisit de porter le deuil en noir selon l’usage breton alors que c’est le blanc qui était de tradition à la cour de France. Anne de Bretagne retrouve les revenus de son duché et le train de vie de sa « maison » devient luxueux. Lors de sa venue en Bretagne à l’automne 1498, elle fait don à la population du deuxième terme de l’impôt et fait battre monnaie d’or à son nom.

Reine pour la seconde fois
Ayant réaffirmé son autorité sur le duché de Bretagne après le décès de Charles VIII, Anne peut négocier les conditions de son mariage avec le nouveau roi de France, Louis XII. Lors de la cérémonie qui est célébrée à Nantes dans le château qui l’a vue naître le 8 janvier 1499, elle obtient la rédaction d’un contrat qui redéfinit les relations entre la Bretagne et la France. Elle s’y réserve de son vivant la jouissance du duché et prévoit qu’après sa mort, celui-ci reviendra à son second enfant mâle et non à l’aîné.
À partir de 1499, Anne réside le plus souvent au château de Blois, disposant d’une grande maison de 300 personnes, d’une garde personnelle de gentilshommes de Bretagne, donne de l’éclat à son statut de reine. Mécène, elle est dépeinte comme une reine vertueuse, modèle d’attachement conjugal.
Duchesse, reine, mécène, une femme d’exception
Tout en étant reine de France, Anne assume ses fonctions de duchesse. Elle nomme les officiers, gère le domaine et intervient pour maintenir les institutions en activité, qu’il s’agisse de la chancellerie ou de la chambre des comptes.
Elle dispose d’une grande partie des revenus du duché et fait édifier par Michel Colombe dans l’église des Carmes de Nantes un tombeau pour son père François II et sa mère Marguerite de Foix.
Elle accomplit, de juin à septembre 1505, un tour du duché de Bretagne qui est l’occasion d’une rencontre avec ses sujets et constitue le dernier acte politique de son règne. Anne meurt le 9 janvier 1514 à l’âge de 37 ans ; son corps est inhumé à Saint-Denis alors que son cœur est déposé à l’église des Carmes de Nantes. Cette double sépulture, qui était ordinaire pour les princes de l’époque, devient, avec le temps, le symbole d’une vie partagée entre la Bretagne et la France.


[1] il a été exécuté entre un an et cinq ans après sa mort, mais apparemment d'après le moulage en cire de son cadavre, la représentant à ses funérailles. Le vérisme est particulièrement cru et sévère. De plus ont participé à ces statues Michel Colombe et ses collaborateurs dont guillaume Regnault, disciple de Colombe qui avait été le sculpteur et le valet de chambre d'Anne. Il  connaissait donc ses traits particulièrement bien.