Allez !
venez mon ptit, on va aller se prendre un café en face ». Nous venions de
terminer l’émission « Secret de star » animée par Isabelle Quenin sur
France Inter. Elle m’avait embauché pour faire un portrait de la star qu’elle
interviewait. Pendant un an, je suis venue à Paris toutes les semaines pour
participer à cette émission et passer derrière le miroir de la célébrité. Le but
étant de de pousser une vedette dans sa vérité plutôt que dans sa
représentation.
Je
n’ai pas retrouvé les notes que j’avais prises pour préparer l’émission. De
toutes façons, je n’arrivais jamais à les lire, prise par le face à face avec l’être
vivant et non son image. Que lui ai-je dit ? Je me souviens que nous
avons beaucoup ri et qu’ensuite dans ce fameux café en face de la Maison de la
Radio, c’est lui qui m’a interrogé, tout à fait étonné par ce que je lui avais
dit de lui-même, alors qu’il était venu participer à cette « foutaise »
car il fallait bien faire la promotion de son dernier film.
Je
lui ai sans doute parlé d’un homme beaucoup plus complexe que l’apparence de
dilettante derrière laquelle il s’abritait. Beau profil aérodynamique d’un
homme qui a toujours besoin d’aller de l’avant, de projet de nouveauté pour
fuir tout ce qui pourrait être routine et ensablement.
Lui
ai-je dit que son étage instinctif, celui de l’accrochage dans le réel, dans le
faire, la réalisation des projets lancés par son étage cérébral dominant, n’était
pas à la hauteur de ses aspirations, de ses rêves. Et que c’est la douceur de
ses yeux aux paupières supérieures lourdes d’un peu d’atonie qui lui avaient
fait choisir l’interprétation plutôt que la mise en œuvre.
Cet
étage cérébral finement sculpté, s’il avait été sur un autre visage, aurait pu lui
donner envie de faire des études d’ingénieur ou d’architecte, il en avait les
bosses sus-orbitaires, les sourcils fournis près de l’œil un peu enfoncé. Il en
avait aussi le creux de réflexion juste au dessus qui donnait l’arrêt suffisant
dans l’analyse approfondie des termes du problèmes et la grande zone
imaginative pour en faire une synthèse, trouver des solutions innovantes, bâtir
un projet, une stratégie.
Mais,
mais, cet étage instinctif un peu plus étroit et son aérodynamisme lui donnait
la bougeotte et la lassitude devant tout ce qui durait trop longtemps. Je me
souviens qu’il me à ce propos, « c’est vrai, j’ai un total manque d’ambition ! »
La
bouche douce, les yeux plus rêveurs et surtout ses magnifiques narines fines,
vibrantes, corrélatives d’une sensibilité ardente, révélaient une composante
féminine permettant l’interprétation d’un personnage, obligatoire pour un
acteur. C’est sans doute la raison qui l’a amené vers le Conservatoire et une
vie d’acteur contrastée et bien remplie.
Son
étage affectif important au nez puissant (enfin un vrai nez adulte et conquérant ! 😊) révélant une grande générosité de
cœur mais aussi un recul lui permettant de se protéger, d’avoir la distance nécessaire,
la pudeur et l’humour pour ne rien dévoiler de sa sensibilité.
Il
s’est marré de mon insistance sur sa sensibilité, lui qui jouait à merveille
les personnages bourrus, tout d’une pièce, voire un peu primaires. C’est sans
doute ce qui m’a valu ce moment délicieux au café et l’intérêt de Jean-Pierre Marielle
pour la morphopsychologie, dont il me dit, séducteur comme toujours, que mon
analyse avait été fine et intelligente, beaucoup plus profonde que ce à quoi il
s’attendait. Et oui, pour charmer, il faut flatter, et je le fus tout à fait !
C’est vrai qu’avec sa voix, ma conquête le temps d’un café, fut totale !