Ce regard scrutateur vous
impose son autorité. Il est calme, centré, il vous étudie profondément. Ce
portait est réalisé ou terminé l'année de sa mort, à 58 ans.
L'ossature masculine, puissante, est équilibrée entre l'expansion et la projection aérodynamique du profil (rétraction latérale). Nous pouvons en déduire un homme de tempérament dynamique, ayant besoin d'étendre son territoire vital.
Ce que l'on voit de la bouche, la montre joliment ourlée.
Les yeux, sont peu abrités, à l'ovale étiré et élégant sous des sourcils bien dessinés, avec ce fameux bombé réceptif d'un sens esthétique de la forme.
Sur le profil, on voit bien l'équilibre des trois étages, entre un front très rond, un étage affectif large, légèrement aplati au niveau des sinus maxillaires et au nez très protégé, à l'arête fine. L'étage instinctif large et projeté, enrobé d'un modelé plus doux que le reste du visage, apporte un enrobage de velours autour d'une détermination importante que la bouche sur un aplat confirme. Jules Mazarin ne se laisse pas mener par ses appétits, il en profite, mais les contrôle.
I.
Le tempérament et
la volonté
Homme d'action par
son aérodynamisme important, endurant et énergique par la solidité de son ossature
et particulièrement de sa mandibule. Il est énergique et courageux, il a un
besoin vital d'explorer tout ce qui se présente à lui. Il va de l'avant,
orienté vers le futur et l'inconnu dans lequel il se projette pour le préparer
ou le construire. C'est un homme de
désirs qui ne seront jamais satisfaits, puisque quand il en savoure un, c'est
le suivant qui l'attire.
Il doit avoir un rythme rapide faisant toujours plusieurs choses en même temps, la routine et la succession inéluctable de certaines tâches doivent l'ennuyer prodigieusement. Il a besoin d'être à l'initiative de nouveaux projets, de se lancer des défis toujours renouvelés, un besoin d'évoluer et de progresser sans cesse, d'augmenter ses performances dans tous les domaines.
Il s'engage fortement
dans ce qui l'intéresse surtout si cela va satisfaire une ambition naturelle
que nous explorerons plus loin.
S'il est physiquement capable
d'affrontement, la délicatesse de ses communicateurs (yeux, nez, bouche) et son
modelé plutôt rebondi et moelleux que tendu, particulièrement sous le menton
tendrait à faire penser qu'il n'aime pas le conflit, qu'il le trouve inélégant.
Le conflit doit lui paraitre de l'enfantillage et une perte dans tous les sens du
terme, de possibilités plus constructives ou lucratives. Il a cependant
plusieurs fois fait preuve d'un grand courage dans sa vie.
Le besoin d'acquisivité,
naturelle chez tous les êtres vivants est important chez lui, c'est là qu'il va
se mettre son besoin de sécurité, se constituer des réserves qui le mettront à
l'abri des hivers difficiles. Nous la retrouverons plus loin aussi.
Ce modelé charnu et doux
et la sensualité fine de sa bouche nous montre, en plus de sa composante
féminine, une gestion de son énergie et du stress sans doute efficace. Il sait
prendre du bon temps, se retrouver dans un calme qui lui convient, sans doute
dans la lecture ou l'appréciation des belles choses.
II.
Communication et relationnel
C'est un homme de communication, Les pommettes expansives et la tendance réagissante qui projette le triangle de communication en avant de son visage en font un homme qui adore l'échange, rencontrer les personnes, les charmer et les comprendre. Ces communicateurs si fins et élégants, ce nez qui se projette dans la conquête de l'autre reflètent certainement une capacité de séduction particulièrement fine et pénétrante. La très grande sensibilité tonique des narines lui donnant un "feeling" affuté, qu'il a du étalonner depuis son enfance pour s'accorder avec son interlocuteur. C'est un véritable sismographe qui lui permet de ressentir la vibration émotionnelle de celui avec lequel il veut s'harmoniser.
Il aime créer du lien,
aimer et se faire aimer. Il s'adapte souplement aux ambiances et aux personnes,
de façon pratiquement mimétique, il saisit les besoins de son interlocuteur et
du coup va apprendre très rapidement à se fondre dans les usages, à les
employer sans erreurs, avec raffinement
et savoir faire. Il ne conteste pas la règle du jeu, il l'a fait sienne et
l'adapte discrètement à ses besoins, sans se faire remarquer.
C'est un homme qui a
muri, il retient ses élans. Il n'aime pas l'affrontement, il sait la perte
d'énergie et de self-control qu'elle entraine dans un jeu qui fait souvent
perdre la face aux deux coqs. Se retenir, même si l'on est humilié, pour
attendre le moment d'une vengeance plus subtile, lui apportera des bénéfices satisfaisants
et lui semble bien plus intelligent. Et Dieu sait le nombre de couleuvres qu'il
a du avaler, lui l'homme "sans naissance" et de famille modeste, de
la part des nobles arrogants. Et c'est lui qui les a mis au pas, préparant son
filleul, Louis XIV, dont il est le véritable éducateur à les châtrer en les
obligeant à devenir des courtisans se battant pour des faveurs dérisoires.
C'est aussi un bon
"manager". Il sait mobiliser les hommes de ses équipes, les stimuler
et leur communiquer son enthousiasme. Il est généreux de son temps, de son
affection et de son argent. Il aime aider et être utile. Savoir qu'on lui est
redevable, le rétribue de ses efforts. Il devait avoir un grand charisme grâce
à ses qualités relationnelles de fin psychologue. Ses collaborateurs lui ont
été fidèles, même au delà de sa mort.
Il n'affronte jamais plus
puissant que lui, il attend son heure en mettant en jeu toutes les ressources
de sa séduction et de son intelligence pour monter une stratégie qui lui
permettra d'en faire un allié ou, au pire, de le faire éliminer par un autre
ennemi sans que l'on puisse retracer sa patte.
C'est un hypersensible,
donc sans doute très susceptible, voir un peu parano. Il y a une vraie
ambivalence en lui, entre sa proximité compréhensive avec les autres et le fait
d'être au milieu d'un marigot de crocodiles qui attendent la moindre
inattention ou faiblesse pour l'éliminer. (N'oublions pas qu'il a traversé la
Fronde dans laquelle il avait tout perdu, avant de revenir en triomphateur). A
ce niveau de pouvoir, on ne peut survivre sans une attention permanente, une
imagination préventive des mauvais coups qu'on peut recevoir et donc un travail
policier de surveillance de ses ennemis et des stratégies pour les faire tenir
tranquille. Travail de dossier pour les tenir par la barbichette (très à la
mode, qui plus est, à son époque J ). Prévarications
diverses, d'où aussi l'intérêt d'amasser une fortune permettant d'acheter les
ennemis potentiels. Nous verrons en étudiant son intelligence l'étendue et la
complexité de sa politique de protection et de développement, pour lui-même, la
royauté et la France, qu'il a fort bien servis.
Ses ennemis en ont fait
un monstre de duplicité, un serpent ondoyant et fourbe. C'est ce que fait le
pouvoir aux hommes. Cependant je ne le crois pas tellement atteint d'une
volonté de puissance qui l'aurait rendu imprudent et lui aurait fait perdre ses
qualités de diplomate et de politicien.
C'est certainement un
très bon psychologue, conscient de l'ambivalence des hommes, de leurs
faiblesses et encore plus de celles des nobles, bouffis d'orgueil, se croyant
prédestinés pour le pouvoir. Grâce à ses talents, ce parvenu a réussi à grimper tous les
échelons du pouvoir, à se rendre indispensable à tous ceux qu'il a servi (sans
oublier de se servir).
Je crois cet Italien éminemment
conscient de la comédie humaine, de la Commedia dell' Arte, dans laquelle il a
baigné enfant. C'est la thèse de Paul
Guth dans son passionnant Mazarin[1]: "Mazarin méprise
trop les hommes pour les écraser. Il les enveloppe d'une pitié amusée. Il les
drape d'une poussière d'or de Commedia dell 'Arte où les bastonnades se marient
aux bravos. Le barbon, l'ingénue, la coquette jouent leur rôle, et puis s'en
vont. Le traitre aussi. Pourquoi lui en vouloir plus qu'aux autres. Le sang
appelle le sang. Il est sot de croit qu'une vengeance restera plus impunie
qu'un crime. Tout vengeur succombe à la vengeance des amis de ses victimes.
Rien ne vaut la peine de faire de la terre un enfer. Tout est spectacle,
éternel retour, illusion." Cependant, je ne le crois pas méprisant, il se
mépriserait aussi. Or il a une haute estime de lui-même, il a besoin de
démontrer sa valeur et de la voir reconnue par ceux qu'il sert et, je pense,
aime réellement. Ce n'est pas du tout le monstre froid et manipulateur que ses
détracteurs ont décrit.
III.
Le plan intellectuel
Un front parfaitement rond et très expansif, avec des bosses sus-orbitaires à peine esquissées et éventuellement une différenciation visible dans la statue de Lerambert,
que je pense moins exacte sur ce point. Les médailles étant en général les représentations les plus exactes des personnages car sans ambition artistique, mais de ressemblance la plus exacte possible.
Ces éléments sont
associés à une intelligence intuitive, créative que l'on trouve plus chez les
artistes que les hommes politiques. On sait que Mazarin, dans sa jeunesse a
hésité à embrasser une carrière artistique pour laquelle il avait des dons,
pour s'orienter vers une carrière de conseiller diplomatique, dès 17 ans où il
accompagne le Cardinal Colonna pour deux ans en Espagne (il parlera couramment
espagnol, ce qui va être d'un grand secours avec Anne d'Autriche, la Régente,
mère de Louis XIV, qui est Espagnole), et avec une première vraie mission
diplomatique à 25 ans.
Revenons à ses capacités
intellectuelles, celles d'un intuitif à l'écoute et à l'observation pénétrante
des personnes qu'il rencontre. Il veut les comprendre, comment elles vivent,
d'abord pour s'intégrer avec un grand besoin d'appartenance qu'exaspère sa
petite naissance. C'est donc l'affectif qui développe ses capacités
intellectuelles et psychologiques. Il va devenir le confident, celui qui écoute
et ensuite conseille. Il voit l'ensemble plutôt que le détail, et un ensemble qui est aussi chronologique, la vie de la personne dans le temps. Ses connaissances en astrologie, étude la plus proche de la psychologie de l'époque devaient l'aider à dresser un portrait de ses prochains, en se servant du nom des planètes comme caractéristiques psychologiques.
Cette dilatation en fait,
aussi, un touche à tout, qui s'intéresse aux arts autant qu'à la science et un lecteur
infatigable, sa bibliothèque (la Bibliothèque Mazarine deviendra celle de
l'Académie Française. C'est lui qui fit construire l'Institut qui l'abrite) est
une merveille d'éclectisme.
La pensée est très
rapide, les associations d'idées se font instantanément avec le réservoir d'une
vaste mémoire. Il doit avoir une conversation très intéressante, surtout
qu'elle est faite pour charmer l'interlocuteur, les méchants diront pour l'enfumer.
Mais c'est sûr qu'il improvise, enrobe, distrait avec une grande ingéniosité. Ce
grand et subtil négociateur est rusé comme Ulysse, dont il possède la métis
méditerranéenne, l'adresse et l'embrouillage de l'adversaire qu'il traitera
comme un ami de toujours, la main sur le cœur.
Les éléments de
verticalisation (rétraction frontale) de son visage, aplatissement des sinus et
de la bouche lui permettent un apprentissage de l'ordre, de l'organisation et de
la méthode, même si, souvent, c'est agaçant pour lui, avec une impression de
perte de temps. C'est quelque chose qu'il peut déléguer. Il doit avoir une
difficulté à se concentrer sur un seul sujet pendant longtemps. C'est sûrement
plus facile de se concentrer sur une personne, car là, l'affectif entre en jeu.
La pensée peut-être assez
alambiquée, car trop de pensées lui arrivent en même temps et ce n'est pas un
cartésien, il est au fil de l'eau, une idée en entrainant une autre, il ne va
pas à l'essentiel, il délaie, augmente.
Sa grande imagination et
l'aérodynamisme vont lui donner une vision prospective de la réalité. Une
résolution de problème innovante, très créative et originale. Sa maturité
générale, la légère atonie des paupières devant apporter le recul nécessaire
pour ne pas réagir. Cela lui apportait aussi certainement humour recherché et
distanciateur. Cet ensemble va entrainer
de grandes capacité stratégiques, qui avec ses capacités diplomatiques sont les
points forts de son ministère et de ses succès, souvent bien au-delà de ce que
l'on pensait possible.
On sait que Mazarin était
un grand joueur, qu'il y a accumulé une grande richesse, qu'il savait
redistribuer intelligemment. Au début de sa relation avec Anne d'Autriche,
alors qu'elle était venue le voir jouer, il gagna gros. Il lui en donna la
moitié en disant qu'il avait gagné parce qu'elle lui avait porté chance, et il
distribua le reste aux courtisans présents, belle façon de se faire des amis. On
a beaucoup glosé sur son avidité et son avarice. Je ne vois ni l'un ni l'autre
dans son portrait. Je pense plutôt à l'intelligence d'un homme dont la
situation a toujours été précaire et qui devait se prémunir par la richesse,
seule possibilité de se mettre à l'abri et aussi d'acheter ses ennemis plutôt
que les combattre.
Il faut aussi ajouter à côté de cette
créativité imaginative, celle que lui procure la finesse de ses traits et un
sens esthétique de la forme sous des
sourcils très bien dessinés. Ces éléments révélant de sa composante féminine,
que nous voyons particulièrement bien intégrée. Elle lui amena de choisir la
voie de la conciliation plutôt que celle de l'affrontement phallique et
infantile, le désir de créer du beau autour de lui et de s'en entourer pour
convertir la richesse accumulée en bonheur des yeux et des sens.
Pour les amoureux des grilles d'indicateurs de personnalité, je pense qu'en MBTI, c'est un magnifique exemple d'ENFP, qui a bien développé ses fonctions inférieures et qui a renforcé son J avec les responsabilités.
C'est un Promouvant
typique et les journalistes économiques, s'il avait été un dirigeant,
l'auraient classé dans les compétiteurs- développeurs.
[1] Guth Paul-Mazarin- Flammarion 1972
Mazarin par Mignard 1661
Peintre Anonyme
Mazarin par Bouchart
Mazarin par Philippe de Champaigne
Mazarin par Coysevox (monument funéraire à l'Académie Française)
Mazarin par Lerambert
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire