mardi 5 juillet 2016

Court Portrait de Danton

Ce soir sur Secret d'histoire, un portait de DANTON. Pour apporter une petite pierre à l'édifice voici un court portrait de ce tribun exceptionnel, défenseur du peuple dont il se sentait l'avocat. Homme paradoxal dont les défauts étaient aussi "Hénaurmes" que ses qualités?
Voici le lien : http://www.leblogtvnews.com/2016/07/numero-inedit-de-secrets-d-histoire-consacre-a-danton-ce-mardi.html


COURT PORTRAIT DE DANTON
Ce visage de colosse rend bien compte de son tempérament. L’ossature très puissante renvoie à un corps de pilier de rugby qui aime l’affrontement, se mesurer pour le plaisir de ressentir sa force et de l’imposer, ce que l’aérodynamisme du profil ne fait que renforcer

Georges Danton  Anonyme Musée Carnavalet



Croquis par DAVID
à la Convention en 1794



Les trois étages sont en expansion, comme soufflés vers l’extérieur, la chair aussi épaisse et musclée. On y trouve son appétit de vivre, la sensualité de contact, la faim et la sexualité gourmande. Si le nez est petit, c’est qu’il a été cassé par le taureau (du moins c’est ce que rapporte la légende) qui lui déjà avait fendu la lèvre gauche dans son enfance. Sa bouche est particulièrement ourlée, charnue et sans doute surplombante, ce que David à accentué. La gourmandise ou plutôt l’avidité du tempérament n’est pas freinée par une retenue de la bouche, au contraire, il passe à l’acte sans vergogne.

A-t-il un surmoi, un tuteur intérieur qui le retient et lui donne des règles de vie, un peu de scrupule ? Bien sûr, l’enfoncement et le rapprochement des yeux apporte un recul violent sur ses actions et ses désirs par son contraste avec tout le reste du visage débordant de vitalité. Danton devait-être tiraillé entre son tempérament fougueux et les contraintes éducatives et morales. On avait sans doute essayé de dompter et de canaliser sa fougue. Le résultat est dans l’opposition bossuée que forme le contraste entre ces petits yeux enfoncés chargés presque à eux tout seul de le retenir et la puissance de ce visage et de ce corps massif. Il y a fort à parier qu’il fonctionnait en « courant alternatif ». Il dirigeait relativement sa pensée dans le sens désiré par son intelligence et se laissait aller à trop d’excès dans sa vie privée.

Tels les grands chanteurs d’opéra, ce peu de maitrise permet de donner tout ce qu’on a dans le ventre, ce qu’il faisait en tant qu’orateur hors pair qui ne préparait jamais ses discours et qui embarquait la foule par sa puissance et sa passion. Il savait quand il ne devait pas faire ou dire quelque chose, mais si la passion le prenait, alors il était incapable de se retenir.

Et la passion, on peut deviner ce qui la réveillait. La lèvre surplombante de l’enfant trop tôt enlevé à une protection tendre et maternelle s’oppose à l’écrasement des côtés du nez montrant le traumatisme de cette privation. Il va s’identifier à ceux qui sont malheureux comme lui, soumis à l’injustice et aux privations incompréhensibles et inadmissibles. Il va faire des études d’avocat pour lutter contre les injustices et chevaucher les idéaux de la révolution qui rejoignent ses propres souffrances.

Une telle personnalité est forcément ambivalente, Il est le révolutionnaire qui défend le peuple et l’homme à la moralité élastique que l’avidité de son tempérament entraine à bien des compromissions. Pour sa défense, on peu dire que peu d’hommes d’Etat de son époque n’ont pas trempé le doigt dans la confiture.

Ce portait très court qui ne veut donner que quelques éléments d’explication pour que vous les ayez en tête si vous suivez l’émission de Secrets d’Histoire de ce soir, ne saurait faire l’impasse sur son étage dominant, l’étage cérébral et ses corrélations avec son intelligence.

Georges Jacques Danton, portrait,
musée Carnavalet, XVIIIe siècle. Anonyme
Son front très expansif, oblique et légèrement différencié est typique du front d’un intuitif, à la pensée qui part dans tous les sens. Plein d’idées et de projets se bousculent. Les associations de pensée sont instantanées, elles fluent par la parole que rien ne retient. Si on ajoute les éléments de sens esthétique de la forme que donne le délicat dessin de ses sourcils et le bombé sous leur queue avec le dessin de sa bouche, on peut rajouter que ses discours n’étaient pas que vigoureux mais aussi inventifs et élégants quand il le désirait. Il devait aimer la belle langue et les belles choses. C’était bien tentant de prendre des pots de vin pour se les payer ou gâter sa jeune deuxième épouse de 16 ans. On peut même penser que cette composante féminine en faisait un amoureux sans doute plus délicat et attentif que son tempérament ne le laissait supposer. Mais là aussi, il fallait composer entre la passion torrentielle et l’amour du fin et du subtil. Il y a fort à parier que lui se sentait fragile et sensible par la plus grande délicatesse de ses yeux, nez, bouche, communicateurs du conscient et ne comprenant pas l’effet qu’il faisait à ceux qui craignaient sa violence verbale projetée par la puissance de sa carrure et de sa passion.

Quelques citations qui le mettent en scène :

Son célèbre discours à l’Assemblée, salué par une ovation assourdissante du 2 septembre 1792

« Il est bien satisfaisant, messieurs, pour les ministres d’un peuple libre, d’avoir à lui annoncer que la patrie va être sauvée. Tout s’émeut, tout s’ébranle, tout brûle de combattre ! (…) Le tocsin qu’on va sonner n’est point un signal d’alarme, c’est la charge sur les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France sera sauvée ! »

La citation que l’on peut lire sur le piédestal de sa statue Place de l’Odéon à Paris « Après le pain, l'éducation est le premier besoin du peuple »



Et un jugement de Condorcet, qui pourtant ne l’aimait guère : « Il fallait dans le ministère un homme qui eût la confiance de ce peuple dont les agitations venaient de renverser le trône (…) qui par son ascendant pût contenir les instruments très méprisables d’une révolution utile, glorieuse et nécessaire (…) qui par son talent pour la parole, par son esprit, par son caractère, n’avilît point le ministère. Danton seul avait ces qualités. » « D’ailleurs Danton a cette qualité si précieuse que n’ont jamais les hommes ordinaires : il ne hait ou ne craint ni les lumières, ni les talents, ni la vertu. »[

Danton conduit à l’échafaud à 34 ans. Sanguine attribuée à Wille
 « Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine ! »
Portraits de Danton et Hébert pris sur le vif pendant leur procès respectif, par Dominique Vivant Denon
- je n'ai gardé que la tête de Danton
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